La philosophie ; diamant de la compréhension

Brahim est le secrétaire adjoint de l’ifres. Une place dans le bureau qui témoigne de son implication dans notre association. Voici un homme humble, sincère et fervent spiritualiste. Depuis longtemps déjà, on le sait écrivain, garant même, de la mémoire de notre association. Il écrit l’histoire de l’IFRES, sans détour, avec l’enthousiasme qui le caractérise. Nous vous donnons ici un aperçu de son travail, qui un jour, sera publier pour le plaisir de tous.

Nous voilà déjà jeudi. La semaine presque rétamée, mais l’envie loin d’être entamée, je me rends à la réunion de première catégorie.
Toujours un peu en retard, je presse le pas.
Courir après la vie pour discuter de l’après-vie ; drôle de paradoxe tout de même ! Vous en conviendrez certainement…
Je compose le code d’entrée du sas. Je grimpe les marches deux par deux, de cette petite résidence du vieux Saint-Ouen.
Après avoir expiré mon dernier souffle, du monde des communs des mortels, je frappe à la porte d’entrée. J’entends la chaise grincer sur le carrelage, quand Joël le médium se lève.
Semaine après semaine, c’est inlassablement le même rituel, pour accéder au savoir suprême. En maitre des lieux, Joël m’ouvre la porte. Toujours le même sourire jovial accroché à sa face.
« Ça va mon frère ? » me lance-t-il tout en empoignant ma main. D’humeur égale, Joël est saisissant par la chaleur qui se dégage de son humanité.
Laurie sa femme et Jean-Luc, l’homme de main du groupe sont là comme toujours, à seconder Joël dans l’immensité de l’œuvre à accomplir. Christelle, Gérard, Bruno, Laetitia, Anthony, Fabien et moi-même sommes les plus assidus.
Par auto dérision sans doute ou par volonté de ne pas nous prendre au sérieux, malgré l’importance de l’enjeu, nous nous surnommons les « IFRESSIENS ».
Quelques places libres attendent désespérément un locataire. Vous vous demandez peut-être, pourquoi ces réunions sont les moins peuplées ? Et bien, c’est parce que ces rendez-vous sont de ceux, qui demandent le plus d’effort. Il ne s’agit pas là de s’asseoir et d’attendre sagement une réponse à ses doutes, comme dans les séances de « questions-réponses ». Non, là, c’est de la philosophie de haute volée dont il est question. S’essayer à la philosophie avec des esprits dégagés de tout sentiment matérialiste est un exercice de style qui demande un effort de concentration considérable. Et tout cela, après une journée de travail harassante ! La tâche est ardue mais tellement enrichissante aussi !
Voilà qui explique pour peu, la politique de la chaise vide. Mais le fait, de ne pas être très nombreux, n’est pas bien grave en soi, car il se crée alors, une atmosphère intimiste bien plus propice et bénéfique à l’échange et au partage.
Dans ces moments-là, un puissant sentiment de plénitude imprègne mon être et me transporte au cœur même du privilège.
Tel des chevaliers brandissant l’étendard du devenir humain autour de la table ronde des communications extra-terrestre, nous sommes sûrs, du bien-fondé de notre objectif. Tellement différents, nous sommes, mais tous unis autour d’une même cause : la survivance. Joël médium de naissance et orateur autodidacte par nécessité, abreuve les débats d’avant séance. Tout peut donner prétexte à la discussion, controverse ou polémique. La politique, la morale, les religions, les faits de société, les catastrophes naturelles ou tout simplement les contrariétés du quotidien qui nous animent, peuvent donner lieu à réflexion. Chacun est libre d’y apporter sa touche ou son grain de sel pour attiser le feu de la négociation.
Il est près de vingt-deux heures quand nous nous décidons à faire appel à l’au-delà. Chacun connait la marche à suivre ; mettre en sourdine les téléphones portables, déchirer le film d’emballage de la ramette de papier et la déposer à porté de main du médium, s’assurer du bon fonctionnement des stylos parfois capricieux, jouer du variateur de l’halogène pour trouver l’équilibre subtil entre ombre et pénombre, instaurer le silence jusqu’à entendre vivre le voisinage, fermer délicatement les yeux et voir le film de sa journée écoulée, défiler sur l’écran de sa conscience, faire le vide en soi pour se nourrir de l’essentiel comme une essence venue du ciel , faire abstraction de l’espace qui nous sépare de l’autre pour se fondre et confondre unité et unicité. Voilà les conditions idéales du lâcher prise spirituelle. Après un long moment d’absence, je lève furtivement les paupières et je vois Joël figé, hors du temps et de l’espace, vidé de toute substance. Il me fait penser à un mannequin de cire. Son visage blême presque livide, on aurait dit qu’il allait rendre l’âme. De temps à autre, une brusque secousse le violentait en donnant vie à son corps déserté. Les âmes invisibles approchant, sont en train de prendre le pouvoir. Parfois, de sa bouche, un mot balbutié dans une langue étrangère, cristallisait l’attention. Le préambule à la communication extra-sensorielle pouvait durer un bon quart d’heure, parfois plus. Cela dépendait de l’état d’esprit et de fatigue des personnes de chair qui forment l’assemblée. Autant vous dire qu’à l’échelle de l’absolu, nous vivions l’imminent perpétuel. L’instant y était roi et imposait son règne. Brusquement et d’un geste prompt, la main de Joël saisit le stylo comme aurait pu le faire, un automate mue par une force mécanique. Il a les yeux clos et la tète légèrement en arrière, les esprits viennent de l’habiter. En sortant de sa torpeur, Joël donnait le signal aux protagonistes de la soirée, qui à leurs tours reprennent vie tour à tour. Les pages commencent à se noircir sous l’effet d’une écriture saccadée et le tout à une vitesse invraisemblable. Chaque fois que le stylo arrive en bas de page, Jean-Luc s’empresse de la retirer d’une main et de la numéroter de l’autre. Le truchement de tous ces gestes coordonnés, trahissaient la complicité de ces deux hommes, unis par un même destin. Pour vivre au quotidien avec Joël, Laurie sa femme conscientise davantage que les autres, les sacrifices qu’engendre la médiumnité. Les traits de son visage traduisent un regard affecté et teinté d’inquiétude et pour cause, c’est de son compagnon de route dont il est question. La médiumnité est un voyage « station-air » en eau trouble, où les courants du cœur malmènent ceux de la raison. Frédéric Lopez, animateur de télévision emmène des stars en terre inconnue et bien, nous, à « l’IFRES », on accompagne l’anonyme avec sa foi pour seul bagage, dans un univers féerique et inconsidéré ou l’humain s’efface devant la grandeur de son humanité. Enfin après un long périple calligraphié, le stylo stoppe précipitamment sa course folle. Jean-Luc en maitre de cérémonie se saisit de cette dictée d’outre-tombe en légalisant du bout des doigts les quelques feuilles récalcitrantes. Ses lunettes réajustées, il s’apprête à décrypter ce manuscrit totalement indéchiffrable ou même un médecin y perdrait son latin. Ce premier jet littéraire est bien souvent un condensé de toutes nos discussions préalables, filtrées et corrigées à l’encre des cieux. Selon moi, Dieu a donné la possibilité aux anges de s’adresser aux hommes par le biais de la philosophie. Pourquoi ? Eh bien parce que la philosophie est à la causerie ce que le diamant est au caillou. Les mots sont forés dans la masse, triés, pesés, taillés, ciselés, polis pour finalement réfléchir au mieux la possibilité d’une autre conscience et d’un cheminement intellectuelle affranchie de toute « pesanteur » en se détournant de la réalité sensible. La difficulté pour nous autres terriens de peu de cultures, c’était de rebondir sur les dires de nos amies guides alors que bien souvent, nous étions démunis devant la richesse des mots employés. La forme pensée, qu’implique la communication humaine, est limitée par le cadre des images successives et nécessaire à la compréhension. Mais, si les mots limitent la communication extraterrestre, ils limitent aussi la profondeur de mon ressenti. Alors si vous pensez que je magnifie à tort ces rencontres d’un autre type, alors nous vous invitons, si cela est possible, à venir, vous en assurez vous-même.
Une question posée, à ceux-là même qui nous instruisent, engendrait à nouveau une autre perspective au discernement. Plus les minutes s’écoulaient, plus nous enfoncions dans les profondeurs du mystère de la vie et de ces effets pour finalement et à chaque fois amerrir sur les rives de la causalité. Tard dans la nuit, le stylo parvient à s’échapper de l’emprise de Joël pour finir inerte et abandonnée à son piètre sort, il avait triste mine…
Quant à notre médium, il était sonné par tant d’efforts consentis. Ses mains jointes supportant la tête, il émergeait péniblement d’un état comateux. Prétendre donner son corps à la science du spiritisme n’est pas de tout repos, celui qui s’y risque paiera de sa personne. Apres une prière de remerciement, adressée aux esprits familiers et prononcée à voix haute par l’un des nôtres, pour le bon déroulement de la soirée, la séance touche à sa fin.
Chasser le naturel et il revient au galop disait ce vieil adage ! Et bien sitôt la lumière allumée, aussitôt les blagues des uns fusaient de toute part à l’encontre des autres. Et oui, on est comme ça, nous les « Ifressiens » ; capable de nager un long moment dans des eaux pures et silencieuses de l’océan céleste et l’instant d’après, patauger dans le vacarme du reflux vaseux la moquerie. On ne se refait pas, mais un jour ou l’autre, il le faudra pourtant… Pour en revenir à ce qui nous intéresse, tous les échanges que nous avons eus et que nous aurons, avec ces esprits, seront un jour classés par thème et publiés pour être partagés avec le plus grand nombre, nous l’espérons vivement. Un peu comme l’avait fait, en son temps Allan Kardec, toute proportion gardée bien sûr…
Brahim